L'appel des pierres - Pierre Gemme

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L'APPEL DES PIERRES
Roman policier thriller amour
Résumé
La tempête Xynthia a sévi à La Faute-sur-Mer. C'est l'heure du bilan, l'agent spécial dépêché par les RG et Alizée, la médium, parviendront-ils à effacer les traces d'une activité classée secret-défense ?

Extraits
Quartier de l’Ostrée, La Faute-sur-Mer, Vendée, 28 février 2010, 2h31.
Deux enfants dorment profondément sur un canapé convertible. Les parents, eux, sont allongés en chien de fusil sur un matelas posé à même le sol. Toutes les pièces sont encore en travaux, et seule la principale est habitable. Avec la pluie torrentielle qui tombe depuis le matin, impossible d’aérer. L’odeur
tenace de white spirit et de solvants sature pourtant l’air.
– Chéri, tu entends ce bruit ?
La jeune femme, secrétaire dans un cabinet médical parisien, secoue son mari. Une lueur surnaturelle s’immisce par toutes les ouvertures du pavillon qu’ils viennent de faire construire. Profitez d’une des rares parcelles encore disponibles sur la côte, à cinq minutes de la plage, vue imprenable sur le Lay.
A saisir de suite. précisait l’annonce de l’agence immobilière Rêve Littoral. Achetée sur plan, la maison secondaire aurait dû être livrée clés en main début juillet. Mais voilà, un contretemps, et le chantier avait pris du retard. Tant pis, avait décidé Justine, nous terminerons nous-mêmes le papier peint et le carrelage. Furieuse, elle avait négocié un rabais sur le prix final. On ne va pas se laisser pourrir nos premières vraies vacances ! avait décrété la jeune mère de vingt-trois ans, divorcée et déjà remariée. Une fille avec son premier mari, avec qui elle avait dû parlementer pour en avoir la garde ce mois-ci, et le tout petit dernier de deux ans, né de sa nouvelle alliance avec un informaticien de son âge. Justine voulait refaire sa vie, très vite, et avait tenu à emménager dans le plâtre et les cartons avec son conjoint.
Alban, l’informaticien, grogne, se retourne, la bouche pâteuse. Il n’a pas le temps de prononcer un seul mot. Les quatre fenêtres explosent sous la pression phénoménale de l’eau. L’une d’entre elles, au cadre mal fixé, écrase son épouse. Elle meurt sur le coup.
Une volée d’éclats coupants frappe Alban au même moment. Il s’effondre, la tête transformée en bouillie de chair. Les enfants, eux, sont noyés dans leur sommeil. La fillette, qui s’était endormie en chaussons, est happée par le ressac et dérive, arrachée de son lit. Elle repart dans la rue portée par le courant.
Montmartre, Paris, 2h35.
Comme Alizée a été impitoyablement traumatisée par l’océan, les pierres constituent désormais son ultime environnement. Mais elle ne le sait pas. Elle dort profondément. Lorsqu’un sifflement persistant pénètre son cerveau inconscient.
Quartier des Doris, La Faute-sur-Mer, Vendée, 2h38.
Une éblouissante blancheur inonde la baie vitrée du salon. Quatre-vingt-onze ans, Jean, complètement sourd, cloué dans son fauteuil au rez-de-chaussée, plisse les paupières. Une nouveauté survient enfin dans la vie de ce cuisinier qui a exercé à bord des paquebots les plus prestigieux. Depuis quinze ans, ses narines ne respirent plus que l’odeur d’urine froide, la sueur rance. Jean, yeux grands ouverts, gobe ses lèvres et serre ses gencives édentées. Ses mains osseuses se crispent un peu plus fort sur les accoudoirs dont le skaï se plisse, vieille matière pour vieille personne. Il a appris à ne faire qu’un avec cet engin roulant. Les montants en aluminium de la véranda se tordent, le verre se déforme, tout semble vouloir devenir rond.
– Chan ! Chan ! hurle Irène qui n’a pas eu le temps de remettre son dentier.
Malgré son grand âge, l’épouse dévale l’escalier, fantôme dans sa chemise de nuit.
C’est alors que Jean écarquille les yeux. A travers les algues, les poissons morts, un nuage de sable, il distingue un chausson rose de petite fille qui tournoie derrière la baie vitrée, comme un poisson tropical dans un aquarium.
– Chan ! pleure la vieille dame, en décoinçant le frein du fauteuil.
– Fite, fiens fite !
Elle le fait pivoter au moment où le corps d’une gamine, flottant bras en croix et cheveux étoilés telle une méduse, se cogne violemment contre la large paroi de verre. Immédiatement, celle-ci se morcelle.
Nouvel assaut des vagues et la baie s’écroule sur elle-même.

PIERRE GEMME - AuteurContact par mail | pierregemme@outlook.fr
Tous droits réservés | Pierre Gemme 2020 - Mise à jour le 19/07/2022
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